EcoPlaine

Qu’a induit le changement d’échelle géographique de la démarche d’Écoplaine et quelles sont ses perspectives d’évolution ? Entretien avec Axel JOURDA, animateur de la démarche EIT.

 

Qui est Écoplaine ?

Écoplaine est une association loi 1901, créée en 2012, à Vittel (Vosges), à l’initiative d’une douzaine de chefs d’entreprises, qui comptabilise au sein de son réseau d’entreprises près de 50 adhérents et 80 partenaires.

L’association avait été créée dans le but d'accélérer le développement économique et social du territoire de la Plaine des Vosges, tout en préservant et garantissant la qualité des eaux souterraines de l’”impluvium”, territoire correspondant à la recharge des eaux souterraines exploitées par l’entreprise Nestlé Waters, avec le soutien de la société d'embouteillage.
En tant que facilitateur du développement économique, Écoplaine accompagne tant les collectivités que les entreprises du territoire dans leurs projets et facilite le dialogue entre ces parties.

 

Quelle est l'historique de la démarche ?

En 2017, suite à un projet d’économie circulaire en réflexion sur le territoire, l’association a proposé à la Communauté de Communes Terres d’Eau de répondre à un appel à projet de l’ADEME et de la Région Grand Est afin de mettre en œuvre une démarche d’Écologie Industrielle et Territoriale (EIT) sur le territoire.

Dans le cadre de Climaxion, l’association a ainsi porté une première démarche d’EIT de novembre 2018 à novembre 2021 sur cette Communauté de communes, rassemblant 45 communes et 18 000 habitants. Une centaine d’entreprises était ciblée sur ce territoire et une trentaine s'est effectivement impliquée et y a pris part.

La démarche a dû s’adapter lors de la première vague de COVID en mars 2020. Loin de se laisser décourager par un contexte peu propice aux échanges et aux réunions, en juin 2020, la démarche a expérimenté son premier atelier de détection de synergies… en distanciel ! Une première en France !

Comment la démarche s'est-elle élargie géographiquement ? 

En 2022, cette démarche a été prolongée suite à la réponse d’Écoplaine à un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) de Climaxion. L’enjeu de cet AMI étant de sécuriser la pérennisation de la démarche d’EIT, celle-ci a été étendue au Pôle d’Équilibre Territorial et Rural (PETR) de la Plaine des Vosges, qui réunit 3 Communautés de communes : celle de l’Ouest Vosgien (CCOV), de Mirecourt-Dompaire (CCMD) et de Terre d’Eau. Dans ce cadre, l’organisation d’ateliers de détection de synergies a été complétée par des visites de sites, des groupes de travail et des audits au sein des entreprises.

Les trois collectivités ont souhaité s’impliquer de manière plus poussée dans cette deuxième période d’animation et ont souhaité que l’animateur EIT travaille en étroite collaboration avec leurs agents, chargés de mission au sein des services Développement Économique ou Déchets. Ce rapprochement permet d’envisager de répondre également aux enjeux de réduction des tonnages de déchets des collectivités elles-mêmes. En effet, ces dernières ne disposent pas systématiquement de l’ingénierie ou du recul suffisant pour identifier des solutions de valorisation permettant de réduire de manière significative les tonnages de déchets industriels banals (DIB). Pourtant, dans le cadre du Plan Régional de Prévention et Gestion des Déchets (PRPGD), les objectifs sont importants et ambitieux ! Cette nouvelle animation bénéficie ainsi d’une double casquette (publique et privée) pour répondre à des problématiques communes aux entreprises et aux collectivités en présence.

Dans un objectif de co-construction, de réciprocité, de partage de connaissances et de compétences, Écoplaine agit en qualité d’acteur-tiers, neutre d’un point de vue politique, en transversalité avec les trois Communautés de communes. L’ingénierie et la connaissance apportées par Écoplaine, couplées aux compétences apportées via la mise à disposition d’agents volontaires des collectivités, induit une force de frappe intéressante, qui facilite le développement de projets.

Cette coopération n’est possible que grâce au développement d’une relation de confiance entre les agents des collectivités et l’animateur de la démarche. Depuis 2022, 28 visites et entretiens individuels avec des entreprises ont été réalisés par Écoplaine dont 11 à double voix avec un ou plusieurs agents ou élus d’une des collectivités.

Comment s'est effectué le passage d'une approche collective à une approche plus ciblée ?

Le contexte du territoire, rural, bénéficie d’un panel limité d’entreprises, de tailles assez restreintes (principalement des PME et TPE) et de secteurs d’activités très diverses (agroalimentaire, bois et ameublement, plasturgie, verre, etc.). De ce fait, l’animateur privilégiait déjà des temps individuels avec les entreprises de son territoire grâce aux données récoltées lors de l’atelier organisé en distanciel en juin 2020. A partir des besoins ciblés lors de cet atelier, ceux-ci ont été étoffés et développés en travaillant en direct avec les entreprises du territoire. L’animateur partait ainsi à la rencontre des entreprises afin de tisser un lien de confiance, lui permettant de développer des synergies. La méthodologie d’atelier de détection de synergie a été mise de côté dans un contexte post-covid assez marqué, au profit de temps plus individualisés avec les entreprises.

Cette approche permet ainsi de pallier le manque de réactivité de certaines entreprises. En effet, lors d’ateliers collectifs, les animateurs EIT peuvent être confrontés à des entreprises faiblement engagées dans la démarche ou qui ne donnent pas suite aux nombreuses synergies identifiées. Par ailleurs, la qualité et le suivi des synergies dépend également du pouvoir de décision de l’interlocuteur présent. En revanche, lors d’entretiens individuels, de visites de sites et de groupes de travail en petits comités, l’adhésion et l’approbation des entreprises est plus forte car ces temps privilégiés instaurent une relation de confiance qui conditionne la mise en œuvre de synergies. De plus, cette approche permet d’identifier des synergies plus complexes et structurantes, correspondant par exemple au montage d’une filière de valorisation sur le territoire.

Enfin, cette approche aide à prioriser les actions et les projets, en travaillant principalement avec les entreprises les plus motrices et proactives.
Néanmoins, si cette approche peut s’avérer pertinente sur un territoire restreint ou rural, comme c’est le cas pour Écoplaine, elle serait moins adaptée à un contexte territorial plus dense en entreprises et plus étendu.

Pour l’association Écoplaine, la démarche d’EIT est complémentaire de ses activités historiques d’animation de réseau d’entreprises. Aux temps d’échanges et de rencontres informels déjà organisés régulièrement par l’association (petits-déjeuners, apéros entrepreneurs, visites d’entreprises, etc.) se sont donc ajoutés des temps collectifs, en plus petits comités, sous la forme de groupes de travail, portant sur une thématique déchet particulière. L’EIT est donc devenue un levier supplémentaire d’actions pour Écoplaine pour contribuer au développement économique de la Plaine des Vosges.

 

Des filières ont-elles été identifiées ?

Une des trois Communautés de communes a identifié une problématique prégnante au sein de plusieurs entreprises de son territoire : celle des déchets de mousses et textiles d’ameublement. En remontant la chaîne de valeur et la filière (transformateurs, distributeurs et fabricants), Écoplaine a identifié différents exutoires (recycleurs ou fabricants de matières réemployables) extérieurs au territoire. L’enjeu est désormais de doter le territoire d’un service de collecte et de massification de ces différents gisements pour pouvoir les envoyer vers ces exutoires. C’est grâce aux implications conjointes de la collectivité et d’Écoplaine pour les entreprises, que cette démarche a pu émerger et qu’une étude de faisabilité est en cours.



Par ailleurs, dans le cadre de la première démarche EIT, la Région Grand Est avait permis à Écoplaine de rencontrer Laurent VILLEMIN, co-gérant de l’entreprise Replace Plastic. Cette start-up industrielle a développé un procédé innovant de recyclage de plastiques complexes, permettant de fabriquer principalement des tuteurs de vigne ou éléments urbains à partir de matériaux envoyés en incinération ou enfouissement (plastiques à base de PE ou PP). Replace dispose déjà de deux lignes de production, opérationnelles, dans la Marne (51). Écoplaine s’est intéressé à son procédé et y a vu l’opportunité de répondre à un besoin des entreprises et un potentiel de développement économique du territoire en aidant cette start-up à s’implanter. Ainsi, Replace a fait appel à Écoplaine pour réaliser une étude de gisements de ces déchets de plastiques complexes sur le territoire, dans la perspective d’implantation d’une nouvelle ligne de production dans les Vosges. Cette étude a permis à l’association de développer une activité de prestation et même de contribuer au financement de la démarche.

 

A travers ce projet, y a-t-il une approche plus "exogène" de l'EIT ?



En cherchant des acteurs et apporteurs de solutions extérieurs au territoire et en facilitant leur implantation et l’internalisation de leurs services, Écoplaine n’aborde plus l’EIT à partir des seules ressources et acteurs existants sur le territoire. Elle se positionne de façon plus prospective et adopte une démarche volontairement exogène pour faire résonner EIT et développement économique.

Cette façon de penser l’EIT avait émergé en 2020, lorsqu’Écoplaine avait noué contact avec le chantier d’insertion “Étoffe-Meuse”, basé à Stenay, lequel venait ponctuellement dans les Vosges collecter des chutes de tissus auprès d’entreprises vosgiennes de renom, fabricantes de linge de maison. Écoplaine avait rapproché des entreprises détentrices de chutes de cuir de qualité du chantier d’insertion et une synergie “inter-démarche” avait ainsi émergé. Cette synergie régionale reliait le département des Ardennes (avec la démarche portée par le GIP CECOÏA) et le Haut-Rhin (avec la démarche du Pays Thur-Doller) en passant par les Vosges. Cette diagonale du “VIDE” (pour “Valorisation Inter-territoires de Déchets d’Entreprises”) avait permis la collecte mutualisée de plusieurs tonnes de nombreuses ressources (textiles, cuirs, mousses, cordelettes, caisses-palettes, etc.) en 2021 et 2022 et leur réemploi ou réutilisation par de multiples acteurs de l’ESS ou de l’insertion, notamment.

 

Quelles sont les perspectives pour la suite de la démarche ?

Pour envisager les perspectives de la démarche, il est nécessaire de rester pragmatique sur les limites du territoire, tant en termes thématiques que géographiques. Plusieurs idées ont été avancées afin de trouver un équilibre et une pérennisation adéquate aux besoins du territoire :

  • Pour consolider le modèle économique de la démarche, Écoplaine développe la logique de prestation, notamment en faisant preuve de concept avec le projet Replace. Les démarches d’EIT tendent de plus en plus vers ce modèle, alliant prestations (à destination d’entreprises ou de collectivités) et logiques partenariales ;
  • Écoplaine souhaite par ailleurs se positionner en qualité de “couteau suisse” légitime, pouvant être sollicité et activé par les collectivités et les entreprises, de manière ponctuelle ou régulière, pour la réalisation d'études de filières, de diagnostics, d’analyse des besoins, l’organisation d'événements, la veille ou le partage d’information sur les appels à projets et dispositifs d'aides, etc. En ce sens, le travail collaboratif engagé avec les trois collectivités pourrait être un levier de développement d’autres activités, notamment sur le développement économique, dans la mesure où l’EIT est considérée comme un levier de développement économique à part entière ;

  • Enfin, à défaut de développement et diversification des prestations, l’hypothèse d’un temps plein partagé par tous les acteurs en présence n’est pas à exclure :  avec 0.5 ETP porté par Écoplaine (pour l’animation et la coordination) et 0.5 ETP réparti dans les différentes collectivités (PETR et Communautés de Communes), cela pourrait être un modèle intéressant, dans une logique de transversalité et partage des connaissances et savoir-faire.

 


 

Pour plus d’informations concernant ce territoire, Axel JOURDA, animateur de la démarche se tient à votre disposition : Axel JOURDA - Responsable du Réseau Écoplaine et Chef de projets Écologie Industrielle et Territoriale - contact [at] ecoplaine.com - 06 74 57 87 81.

Article rédigé par Clémence REJNERI - Coordinatrice écologie industrielle & co-animatrice du réseau EIT Grand Est - Club d'Écologie Industrielle de l’Aube - 07 68 83 23 63 - clemence.rejneri [at] ceiaube.fr


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