Démarche EIT Ardennes

Le Groupement d’Intérêt Public (GIP) CECOIA anime une démarche d’EIT sur le territoire des Ardennes depuis septembre 2020. Entretien avec Maxime GRULET, chargé de mission de CECOIA.

Depuis un an, la démarche d’écologie industrielle a été lancée sur le département des Ardennes à l’initiative d’un Groupement d’Intérêt Public composé de 6 membres : Valodéa, Arcavi, Ardennes Métropole, l’UIMM, Coopelis et le Pôle de compétitivité Matéralia. Financée par la Région Grand Est et l’ADEME via le dispositif Climaxion, cette démarche a vocation à accompagner les entreprises à trouver les meilleures voies de valorisation pour leurs déchets, notamment en favorisant leurs réemplois. Entretien avec Maxime Grulet, animateur de la démarche d’EIT des Ardennes.

Maxime GRULET - © CECIOA

- Comment est née la démarche d’écologie industrielle et territoriale « CECOIA » - anciennement dénommée « GIP WASS(R) » ?

- L’idée d’une démarche d’EIT a germé en 2017, suite à la sortie d’un nouvel appel à projets de l’ADEME et de la Région Grand Est, impulsant l’émergence des démarches d’EIT. Christophe Felzine, directeur du groupement d’économie solidaire COOPELIS basé à Auvilliers-les-Forges a décelé l’articulation pertinente entre le cœur de métier de la ressourcerie Bell’Occas (membre de COOPELIS), et la thématique de l’EIT. Pour cette ressourcerie ambitieuse et visionnaire, l’EIT proposait de toucher un nouveau public, les professionnels, et de développer des projets structurants de long terme, tout en apportant aux entreprises des solutions de valorisation locales et innovantes. Ce projet a ensuite trouvé écho auprès de VALODÉA, le syndicat mixte de traitement des déchets ardennais, qui s’intéressait à cette dynamique de repenser la gestion des déchets dans les Ardennes, poussé notamment par les réflexions autour du PRPGD (Plan Régional de Prévention et de Gestion des Déchets) du Grand Est. C’est de cette rencontre que l’idée d’une démarche EIT sur le territoire a commencé à mûrir..

 

- Un collecteur/traiteur de déchet et une ressourcerie, principalement à l’origine d’une démarche d’EIT… Un duo gagnant ?

Ressourcerie Bell'Occas - © CECIOA

- C’est certain, ce n’est pas commun. Mais comme souvent dans les démarches d’EIT, c’est aussi une question de personne et d’humain. Les deux responsables se connaissant et travaillant ensemble depuis de nombreuses années, ce partenariat a été facilité par les liens de confiance déjà établis et leur volonté commune de trouver des solutions plus durables et soutenables à certains déchets.
Mais c’est aujourd’hui un trio gagnant qui est à saluer. L’implication forte de la collectivité territoriale d’Ardennes Métropole dans la gouvernance permet à la démarche de bénéficier d’une impulsion politique et de prises de positions favorables à son essor.
Par ailleurs, il prééxistait sur le territoire une démarche EIT portée par ACAPPI, porteur de projets de la filière des industries et métiers de la métallurgie, dont le périmètre était Champardennais. Il nous a semblé évident de l’intégrer également à la gouvernance de la démarche, en qualité de filière expérimentée dans l’animation d’une démarche d’EIT avec laquelle nous pourrions travailler en commun certains sujets.
Nous avons aussi souhaité co-construire une gouvernance publique/privée hétérogène solide, avec des acteurs d’intérêt et volontaires pour intégrer la démarche, et notamment le Pôle de compétitivité Matéralia et ARCAVI, un apporteur de solutions ardennais en matière de traitement des déchets.

 

- Un périmètre départemental : un atout pour un territoire rural ?

- Dans les Ardennes, les citoyens sont attachés à l’échelle départementale de leur territoire, donc ce périmètre nous est apparu le plus pertinent. Mais ce périmètre peut complexifier la tâche lors de la structuration. Pour faciliter l’animation et ne pas nous éparpiller, nous avons décidé de scinder le département en plusieurs zones, notamment en se basant sur les frontières des 8 EPCI présentes sur le territoire. Afin de lancer la démarche et de se concentrer sur des synergies simples et rapides la première année, nous avons prioritairement ciblé des entreprises sur le territoire d’Ardennes Métropole (Charleville-Mézières et alentour).

 

- Quelle est la méthodologie employée pour animer la démarche et identifier des synergies inter-entreprises ?

Caisses en bois valorisées - © CECIOA

- La première phase de notre stratégie est de se construire une crédibilité, une reconnaissance de nos actions et une légitimité sur le territoire dès la première année. Lancés en pleine période de COVID, nous n’avons pas pu mettre en place nos ateliers de détection de synergies inter-entreprises. Nous avons misé sur une mobilisation de manière individuelle des entreprises. Elles ont été mobilisées grâce à des sessions de phoning, des mailings et surtout des visites d’entreprises. Ainsi une soixantaine de visites de sites ont été réalisées en un an, ce qui nous a permis de créer une dizaine de synergies « quick win » en B to B, avec 15 acteurs économiques différents. 7 tonnes de matières ont déjà été échangées ou valorisées, notamment des flux de doufline, caisses en bois (photo ci-contre), caoutchouc, huile de friture, bocaux, etc. avec un potentiel de 300 tonnes par an. Avec ces résultats, nous avons réussi le pari d’être crédible et reconnu comme acteur pertinent et légitime sur le territoire.
Nous entrons actuellement dans la deuxième phase de notre stratégie. L’objectif ambitieux fixé est d’être un acteur moteur et prescripteur dans les projets de long terme et de développer des synergies plus complexes, multiacteurs et structurantes.

 

- Maintenant que vous avez assis votre légitimité sur le territoire, quels sont ces projets et perspectives ?

- Nous développons actuellement 3 axes :

  1. Le premier groupe de travail que l’on a monté est un projet de matériauthèque pour les déchets du second œuvre, en s’inspirant de la matériauthèque de Rotor (Belgique). Nous mobilisons actuellement des professionnels du BTP, des professionnels du commerce de matériaux et des acteurs publics dans l’optique de valoriser des déchets du BTP inertes, non dangereux, et non inertes. L’idée serait de bénéficier d’un système de massification pour proposer à des professionnels et particuliers de réemployer des matériaux issus par exemple du démantèlement sélectif de bâtiments.
  2. Nous avons également un projet sur la mobilité durable sur une des zones d’activité où nous avons mis en œuvre de nombreuses synergies cette année. L’objectif est de créer une dynamique sur cette zone afin d’inciter les usagers à la mobilité durable, notamment en facilitant l’utilisation de vélos pour les travailleurs et en mettant en place un système de covoiturage. Des partenariats avec des réparateurs de vélos et entreprises de la zone pour construire des parkings à vélo sont envisagés, ainsi que des covoit’-dating pour faciliter la mise en place du covoiturage.
  3. La mise en place de Factoryz sur le territoire en partenariat avec les EPCI du département. Nous avons rencontré 6 EPCI afin de leur faire part de la démarche, de les acculturer et de les impliquer dans le développement de cet outil. L’idée serait que chaque EPCI bénéficie d’une page Factoryz qu’elle anime pour les entreprises de son territoire via son service de développement économique. La démarche CECOIA aurait un rôle de coordinateur, disponible pour appuyer les synergies complexes et structurantes et créer des groupes de travail pour les flux plus problématiques qui ne trouveraient pas de valorisation en local.

Cette première année nous a permis de mettre un pied à l’étrier, de démontrer notre crédibilité, ce qui nous amène une force de frappe intéressante pour mettre en place les projets structurants et ambitieux qui s’offrent à nous !

 

 

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