L'histoire de la démarche
La démarche d’Écologie Industrielle et Territoriale du Pays Thur Doller a été initiée sur la base d'une étude de flux réalisée dans le cadre de l'appel à projets « Territoire Zéro Déchet – Zéro Gaspillage », financé par l'ADEME.
Initialement mené par la Maison de l’Emploi du Pays Thur Doller et le Syndicat Mixte Thann-Cernay dès 2015, ce portage sera transféré en 2019 au PETR du Pays Thur Doller, avec un souhait de structuration de la démarche vers des thématiques fortes, comme un focus sur l’énergie, ou la volonté d'inclure toujours plus dans la démarche les entreprises de l’économie sociale et solidaire.
Sur ses trois premières années au sein du PETR, l'animateur, Frédéric Hall, a piloté différents projets avec une forte dynamique de réseau allant même au-delà de la délimitation géographique du Pays.
Pour mieux comprendre cette réussite, il est intéressant d’analyser les deux méthodes déployées par l’animation : le « Faire savoir » et le « Faire adhérer ».
Le « Faire savoir », ou quand la communication se met au service de la réussite opérationnelle :
De nombreuses démarches réussissent à passer de l’étape d’idées à des projets concrets et opérationnels. Mais la difficulté réside généralement dans la communication de ses projets, soit pour développer la dynamique (élargir une collecte, augmenter les synergies de substitution, massifier le gisement initial…), soit pour mettre en avant le projet sur le territoire. Les animateurs font souvent face à un défaut de remontée d’informations du terrain qui pose des difficultés dans la consolidation d’indicateurs qu’ils soient économiques, environnementaux ou sociaux.
C’est là toute la complexité de la chose : sans indicateurs précis, primordiaux dans l’évaluation des synergies, il est difficile de communiquer de manière concrète et valorisante sur les projets.
Dès lors, la forme de transmission de l’information revêt un intérêt stratégique. C’est le point de vue défendu et appliqué par Frédéric Hall. Pour convaincre de l’intérêt de la synergie l’animateur estime qu’il aura plus de chance d’impacter son interlocuteur, qu’il soit partenaire, financeur ou bénéficiaire, en construisant un récit ou une histoire autour de la synergie. Le storytelling est alors placé au cœur de sa communication. En voici une illustration :
En 2021, les démarches EIT Ardennes, Eco-Plaine et Pays Thur Doller se sont associées pour trouver des solutions à des matières non valorisées sur leurs territoires respectifs. La synergie rassemble de nombreuses parties prenantes sur différents départements de la Région Grand Est. Elle consiste à trouver un camion avec chauffeur pouvant, au cours d’un périple d’une boucle de plus de 800km sur deux jours, prendre ou déposer des matières ou des objets (textiles, cordes, caisse palette, cuir, …) auprès de 15 structures différentes (entreprises ou structures de l’économie sociale et solidaire).
Frédéric Hall a été amené à présenter cette synergie à plusieurs reprises, notamment lors du rassemblement EIT Grand Est, ou, à la demande de la Région Grand Est, lors de réunions des GAL (Groupes d’Action Locale LEADER), en préparation des candidatures pour les fonds européens LEADER. Il a alors utilisé différents outils narratifs pour présenter cette opération :
Derrière toute bonne histoire, il y a un bon titre !
Pour cette synergie, ce sera « La diagonale du V.I.D.E. ».
V.I.D.E. pour « Valorisation Inter-Régionale de Déchets d’Entreprises ». L’idée était la suivante : tout en prenant délibérément à contrepied son auditoire (car, soyons clair, cette synergie n’a rien de vide), ce nom permet de faire comprendre à un large public, dans les grandes lignes, tout à la fois l’enjeu de cette synergie et son rayon d’action qui est ici régionalisé (Ardennes, Vosges, sud Alsace).
L’originalité comme outil pour capter l’attention
Quand il présente la diagonale du V.I.D.E., Frédéric Hall prend le parti d’accrocher l’auditoire, en énonçant les éléments factuels à la manière, détournée, d’une recette de cuisine (voir visuel de la présentation ci-dessous). Les données sont quantifiées, comme autant d’ingrédients constituant les parties indispensables d’un tout.
L’exclamation finale, tel un ingrédient secret, qui apporte le petit truc en plus : « Un brin d’audace ». Et de l’audace, force est de constater qu’il y en a, tant dans le fond que dans la forme.
Maintenir un certain suspens pour retenir l’attention
Comme présenté sur la cartographie ci-dessus, les échanges de matières se dérouleront sur différents lieux de la région. Entre dépôt, reprise de matière, échange, dons… Il faut maintenir un fil conducteur simple et cohérent au récit.
Dans l’ensemble de son exposé, Frédéric Hall maintiendra un suspens sur la suite des événements et le prochain dépôt. L’interlocuteur a connaissance des différentes matières et peut même se prendre au jeu de recouper les quantités encore en circulation dans le camion.
Comment finir l’histoire ?
Géographiquement, l’histoire se termine lors du retour du camion à son point initial. Néanmoins, Frédéric Hall a choisi d’ouvrir le champ des possibles : une discussion est en cours avec l’École Nationale Supérieure des Marionnettes afin de monter un spectacle avec les matières récupérées via cette synergie. L’objectif est aussi que les salariés des différentes entreprises contributrices identifiées puissent profiter du spectacle créé à partir des matières récupérées dans leur entreprise, et qu’ils ont peut-être eux-mêmes sauvés de la destruction. Une manière de fermer le chapitre d’une synergie, tout en faisant perdurer l’histoire sur le territoire !
L'auditoire de la présentation a donc pu appréhender tour à tour contexte, enjeu, et finalité d’une synergie mais aussi de sa continuité de façon ludique. Cela a permis aussi une adhésion au principe même de la démarche, adhésion à laquelle tient particulièrement l’animateur.
Le « Faire adhérer », ou la non-offre de service comme positionnement assumé :
De nombreux territoires réfléchissent à leur positionnement économique pour pérenniser leur démarche EIT. Pour légitimer la demande sous forme de cotisation, versement, adhésion, le parti pris est de faire une offre de service claire et précise avec les actions, projets et les objectifs à atteindre.
La démarche Thur Doller a fait le choix de ne pas formuler d’offre prédéfinie sur les années à venir. Une stratégie qui pourrait paraitre a priori contreproductive. Il n’en est rien.
En effet, pour Frédéric Hall le message est clair : la démarche EIT est un élément à part entière du tissu économique dont la finalité est l’aide à l’entreprise, et elle se doit de s’adapter aux besoins et potentiels de celle-ci afin d’assurer un maillage le plus adapté et efficient possible.
« Je crois donc j’adhère »
L’animateur souhaite promouvoir une adhésion à la démarche qui soit basée sur la conviction profonde du bien fondé de celle-ci, de l’approche de la coopération territoriale et des valeurs qu’elle porte. Bien entendu, ce positionnement est rendu possible par le travail fait en amont : la confiance établie par les résultats du fonctionnement de la démarche. D’où l’importance de maintenir les synergies dans les têtes de chacun, et donc de la communication autour de celle-ci… on y revient !
Cette approche permet aussi une latitude plus large pour l’animateur, un fonctionnement non fixé dans un cadre rigide, lui apportant une liberté d’action.
La liberté d’action : avancer sans cadre défini
En effet face à l’instabilité actuelle et les revirements de situation rapides sur certains projets (freins non identifiés, changement d’interlocuteurs) cette souplesse permet de jongler plus facilement entre les différents projets et de faire des choix sans compromettre une quelconque feuille de route ou liste d’objectifs.
Cela donne aussi le temps et l’attention nécessaires pour des projets innovants ou des demandes particulières d’entreprise, le cahier des charges n’étant pas restreint. Cette qualité d’écoute aux besoins du territoire est aussi un levier permettant de renforcer la légitimité de l’animateur via sa réactivité.
S’il est vrai que les méthodes mises en œuvre par la démarche EIT du Pays Thur Doller ne sont pas transposables à toutes les structures, elles ont le mérite de mettre en lumière trois aspects :
- la vertu de l’histoire comme véhicule de communication pour la présentation du message et des résultats,
- l’importance de promouvoir la valeur de l’adhésion à la démarche qui ne soit pas uniquement mesurée par l’engagement financier, mais aussi par la reconnaissance de celle-ci comme un outil économique à part entière,
- l’adaptabilité d’une démarche EIT rendue possible par l’absence d’objectifs prédéfinis à moyen terme, tout en ayant une finalité commune : l’aide à l’entreprise.
Force est de constater que ces idées ont déjà porté de beaux fruits sur le territoire animé par la démarche EIT Thur Doller, et qu’elles continueront sans nul doute pour au moins les trois prochaines années !
→ Pour toute demande d’information complémentaire, l’animateur de la démarche EIT du Pays Thur Doller se tient à votre disposition :
Frédéric HALL - eit [at] pays-thur-doller.fr