1. Définition et sources juridiques : l’agrivoltaïsme une innovation technique en cours d’encadrement juridique
a) Définition agrivoltaïsme
L'agrivoltaïsme désigne une pratique consistant à associer sur un même site une production agricole (maraîchage, élevage, vigne, etc.) et, de manière secondaire, une production d’électricité par des panneaux solaires photovoltaïques. Les panneaux doivent apporter un service supplémentaire à la production agricole.
Ainsi selon la loi d’accélération des énergies renouvelables de 2023, art 54 codifié à l’art. L. 314-36 du code de l’énergie :
« Une installation agrivoltaïque est une installation de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l'installation, au maintien ou au développement d'une production agricole.
Est considérée comme agrivoltaïque une installation qui apporte directement à la parcelle agricole au moins l'un des services suivants, en garantissant à un agriculteur actif […] une production agricole significative et un revenu durable en étant issu :
« 1° L'amélioration du potentiel et de l'impact agronomiques ;
« 2° L'adaptation au changement climatique ;
« 3° La protection contre les aléas ;
« 4° L'amélioration du bien-être animal. »
b) Différence entre agrivoltaïsme et autres installations PV agricoles
Le décret relatif à l’agrivoltaïsme d’avril 2024 vient différencier l’agrivoltaïsme des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers.
Il importe donc de distinguer :
- les installations agrivoltaïques, conçues au sens strict : les installations photovoltaïques répondant aux critères des installations agrivoltaïques et doivent donc apporter un service direct à l’activité agricole.
- les installations « agricompatibles » : les installations compatibles avec l’exercice de l’activité agricole et conformes à un document-cadre, sur des parcelles prédéfinies par ce document.
- les serres, hangars et ombrières à usage agricole supportant des panneaux photovoltaïques (l’article L. 111-28)
c) Sources juridiques, dernières évolutions
- La loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables
- Décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 relatif au développement de l'agrivoltaïsme et aux conditions d'implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, services naturels ou forestiers
- Arrêté du 5 juillet 2024 relatif au développement de l'agrivoltaïsme et aux conditions d'implantation des installations photovoltaïques sur terrains agricoles, naturels ou forestiers
- Instruction interministérielle relative aux installations photovoltaïques sur espaces naturels, agricoles et forestiers du 18/02/2025
2) Les étapes et conditions spécifiques aux projets agrivoltaïques
a) Encadrement technique du décret agrivoltaïque
En vertu du principe de non-concurrence entre activités agricoles et production d’énergie, un décret vient encadrer l’installation de panneaux solaires sur les terrains agricoles. Il pose 5 critères à respecter :
L’agriculture doit rester l’activité principale
- la surface maximale couverte par des panneaux photovoltaïques ne peut excéder 40 % du terrain agricole ;
- La hauteur de l’installation agrivoltaïque et l’espacement inter-rangées doivent permettre une exploitation agricole normale.
- La superficie non exploitable liée à l’installation agrivoltaïque ne doit pas excéder 10% de la superficie totale couverte par l’installation agrivoltaïque.
La production agricole doit être significative
- le rendement de la production agricole sur un site agrivoltaïque doit être au moins égal à 90 % de celui observé dans une parcelle témoin, dépourvue de panneaux solaires ;
- la moyenne des revenus issus de l’agriculture ne doit pas être inférieure à celle d’avant l’installation agrivoltaïque.
b) Les étapes et conditions spécifiques à l’agrivoltaïsme
Un projet agrivoltaïque connaît plusieurs étapes communes avec les projets photovoltaïques classiques :
- Les études techniques (ensoleillement, biodiversité, raccordement…)
- L’obtention du permis de construire (qui nécessite des avis supplémentaires)
- L’obtention d’un complément de rémunération auprès de la commission de régulation de l’énergie (dans la plupart des cas) via la réponse aux appels d’offres de la CRE
- Les demandes de raccordement électrique
Cependant, les projets agrivoltaïques ou agricompatibles comportent également des étapes et conditions spécifiques en matière de préservation du foncier agricole.
- Le projets agricompatibles doivent être conformes au document cadre précité (art L111-29, code de l’urbanisme). Ainsi, ces projets peuvent être réalisés uniquement sur des parcelles préidentifiées dans ce document cadre car celles-ci sont incultes ou non exploitées depuis le 10/03/2023.
- La commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) rend un avis conforme (le préfet doit suivre cet avis) sur les projets d’installations agrivoltaïques et photovoltaïques au sol sur les terrains agricoles, naturels et forestiers. Si l’installation est implantée sur une surface identifiée par le document-cadre (agricompatibles), l’avis est simple (avis consultatif).
Par ailleurs, les chambres d’agriculture élaborent souvent des chartes à but informatif permettant de mieux connaître les attentes des acteurs locaux agricoles. Ainsi la chambre d’agriculture 54 limite les projets à une taille de 20 MWc. Pour le département 55, les projets ne doivent pas excéder 25 MWc.
Il existe aussi des contrôles spécifiques pour les projets agriPV et agricompatibles
Les articles R. 314-120 à R. 314-123 du code de l’énergie prévoient aussi un large dispositif de contrôle et de sanction afin de garantir une protection et un suivi renforcé des terres agricoles pour garantir le respect des différentes conditions justifiant du caractère agrivoltaïque ou PV compatible de l’installation tout au long de la vie du projet. Ce dispositif est décrit plus finement dans l’arrêté relatif aux contrôles et sanctions. Les contrôles prendront la forme de remontées de rapports de suivi, réalisés par un organisme technique ou scientifique choisi par le producteur et ne pouvant prendre part au projet (ni à sa réalisation, ni à son exploitation, ni à son instruction).
3. Les bonnes pratiques et recommandations
a) Techniques
Au niveau technique, il est nécessaire de s’interroger sur le projet en amont, en prenant en compte sa durée et sa localisation :
- Est-ce que la parcelle est bien adaptée ? Ombrages, exposition nord, qualité du sol…
- Il est nécessaire de prendre en compte la durée de l’installation (minimum 30 ans) et de s’interroger sur la vocation à long terme de la parcelle (changement d’usage, de pratiques…) : Quel sera l’impact sur l’atelier agricole ou d’élevage, sur les pratiques (itinéraire technique et machines utilisées) et l’organisation du travail de l’agriculteur ? Quel sera l’impact sur la gestion de l’eau sur la parcelle ?
- Le raccordement électrique des panneaux solaires à un poste source est nécessaire. C’est pourquoi, il est important de s’interroger sur la distance au poste source et la disponibilité du poste. Il est possible d’obtenir ces informations sur Capararéseau. https://capareseau.fr/ Par ailleurs, il est nécessaire que le réseau électrique évolue pour mieux intégrer les unités de production décentralisées. Aussi, il est important de faire remonter votre projet auprès de RTE via le portail : https://www.services-rte.com/fr/decouvrez-nos-offres-de-service/declarer-et-consulter-les-gisements-d-enr.html
- Limiter la visibilité de la parcelle permet d’améliorer son acceptabilité et donc sa probabilité de réalisation. Il est donc préférable d’éviter les parcelles ayant un rôle structurant dans le paysage rural.
- Il peut être intéressant d’obtenir une préétude technique auprès des conseillers de la chambre d’agriculture ou d’autres structures neutres pour mieux analyser les offres des prestataires agrivoltaïques
b) Economiques
Les données économiques sont importantes dans un projet agrivoltaïque et peuvent contribuer à générer un revenu complémentaire pour l’agriculteur.
- En général, le développeur loue les terrains agricoles pour une durée de 20 à 30 ans minimum. Le montant des loyers doit ensuite être partagé entre le propriétaire et l’exploitant du terrain. Les modalités de partage de la valeur doivent être négociées et entérinées dans un document juridique. Le modèle de valorisation de l’électricité produite est celui du complément de rémunération dans le cadre des appels d’offres de la CRE. Certains projets en PPA, vente de gré à gré sont également possibles. Pour les projets plus petits des valorisations de type autoconsommation individuelle mais surtout collective peuvent être envisagées.
- Dans tous les cas, il est nécessaire de mettre en concurrence les offres reçues par les différents prestataires, développeurs d’EnR. Vous pouvez obtenir une liste auprès des syndicats nationaux d’EnR comme ENERPLAN ou France Renouvelables. A noter qu’il existe une association locale de la filière PV : Cap à l’Est
- Faites attention aux offres de location anormalement basses ou anormalement hautes. Certains développeurs ne tiennent pas les engagements annoncés au départ et le savent dès le début. Il compte sur l’épuisement du porteur de projet (procédure de développement longue) pour renégocier fortement à la baisse les loyers. En général, les loyers se négocient aux alentours de 2500€/MWc mais peuvent différer fortement selon les parcelles et territoires.
c) Environnementales
L’installation devra prendre en compte les enjeux environnementaux, aussi voici quelques recommandations issues des règles juridiques mais également des avis, du conseil nation de protection de la nature (CNPN), du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) et du comité régional biodiversité (CRB)
- Prendre en compte, dès la phase de conception, des préconisations issues des études environnementales, spécialement adaptées à la parcelle en particulier les zonages environnementaux (Réserves Naturelles Régionales et les sites Natura 2000)
- Prendre en compte le paysage local dans le design du parc agrivoltaïque pour favoriser son acceptabilité locale
- Éviter les tassements du sol notamment en phase travaux
- Limiter au maximum les impacts liés au raccordement, notamment sur les haies, les bosquets, les bandes enherbées, etc.
- Réaliser des suivis transversaux des composantes agronomiques et environnementales incluant donc les aspects sol, eau, énergie, habitats, espèces.
- Accorder une vigilance particulière aux risques de rupture des continuités écologiques (hauteur des clôtures de protection, caractéristiques, perméabilité et visualisation des clôtures de protection, nombre de prises au sol, nature des matériaux utilisés, etc.)
- S’assurer que les impacts sur les sols et la biodiversité soient les plus faibles possibles lors de la remise en état des sites, notamment pour ne pas perdre un potentiel gain en termes de biodiversité
- Eviter les prairies permanentes, d’autant plus si elles ont une diversité florale élevée et si elles sont anciennes de plusieurs décennies, et les prairies « sensibles »
- Veiller à ce que les projets d’agrivoltaïsme ne conduisent pas à la disparition de haies, de bandes enherbées, d’espaces en jachère et de prairies permanentes à flore diversifiée
d) Sociales
L’installation agrivoltaïque devra prendre en compte les enjeux sociaux, aussi voici quelques recommandations :
- Coconstruire les projets agricoles avec les futurs exploitants (transmission) du site pour maintenir la production agricole (obligation légale)
- Informer et concerter la sphère locale et territoriale. Il s’agit de concerter les acteurs du territoire très en amont du projet afin d’adapter celui-ci aux enjeux territoriaux.
- Concevoir un projet harmonieux en lien avec le territoire et ses acteurs, contribuant au partage de la valeur. Le projet doit en effet pouvoir profiter aux acteurs territoriaux. Il s’agit de mettre en place des outils pour intégrer des acteurs territoriaux dans la gouvernance ou le financement du projet : entrée de l’agriculteur dans le capital de la société de projet, financement participatif par les acteurs locaux via une plateforme de crowdfunding, prise de participation par des citoyens locaux (investissement citoyen). Certains projets proposent également d’alimenter financièrement des fonds locaux de transition énergétique.
4. Ressources
Documents généraux
Instruction interministérielle relative aux installations photovoltaïques sur espaces naturels, agricoles et forestiers : https://info.agriculture.gouv.fr/boagri/instruction-2025-93/telechargement un document qui explique de manière claire et détaillée les décrets et loi agrivoltaïques.
Le guide des bonnes pratiques RSE, France Agrivoltaisme :
https://www.agra.fr/agra-presse/sites/agra-presse/files/2023-07/guide_bonnes_pratiques_rse_france_agrivoltaisme_brut.pdf
Les chartes agrivoltaïques locales :
https://compensation-agricole.fr/agriculture-energies/guides-chartes-photovoltaiques/
Agrivoltaïsme, au service de l’Agriculture et de la transition énergétique, la plateforme verte
Documents spécifiques sur l’environnement
Autosaisine du CNPN relative à la politique de déploiement du photovoltaïque et ses impacts sur la biodiversité, juin 2024 :
https://www.avis-biodiversite.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2024-16_avis_deploiement-photovoltaique-impacts-biodiversite_cnpn_du_19_06_2024_vf.pdf
Autosaisine du CSRPN Grand Est au sujet du développement du photovoltaïque au sol en Grand Est respectant le principe d’absence de perte nette de biodiversité, avril 2022:
https://www.grand-est.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/avis2022-109-photovoltaique_et_biodiversite.pdf
Motion sur le développement des énergies renouvelables dans les espaces naturels, Comité Régional Grand Est, décembre 2023 :
https://biodiversite.grandest.fr/wp-content/uploads/2024/01/23-12-19-crb-motion-enr-adopte-vf.pdf