Dans les démarches d’écologie industrielle et territoriale, le métier de détection de synergies inter-entreprises est au cœur des missions des chargés de mission. Les approches, les méthodes et les outils favorisant cette identification sont multiples, contextuels et parfois complémentaires.
Nous pouvons compter trois approches différentes permettant d’identifier des synergies de mutualisations ou de substitution entre les acteurs économiques d’un territoire.
- L’approche empirique : détecter des synergies en se basant sur quelques flux ou en partant des expériences et problématiques de terrain d'entreprises volontaires ;
- L’approche déductive : détecter des synergies de manière théorique en se basant sur les flux majeurs courants d’activités pré-identifiées (via les codes NACE-NAF)
- L’approche systématique : Répertorier de manière exhaustive l’ensemble des flux du système concerné sur un périmètre défini afin d’en détecter les synergies potentielles
Approche empirique
Deux grandes typologies d’outils et de méthodes font partie de l’approche empirique.
1. Les ateliers de détection de synergies
Ces ateliers permettent de mettre en relation des entreprises avec d’autres acteurs économiques locaux sur une journée ou une demi-journée en suivant une méthodologie de détection de synergies simple et codifiée. Plus d’une centaine de synergies peuvent être détectée en quelques heures. De nombreuses structures proposent des méthodologies d’ateliers de détection de synergies. On peut noter (liste non exhaustive) : Auxilia ; Écota Conseil ; Ewam ; Initiatives Durables ; Institut National de l’Économie Circulaire (INEC) ; iNex ; International Synergies Limited ; Indiggo ; Strane Innovation ; Tehop ; Sofies.
AVANTAGES | FREINS |
Capacité à fédérer un grand nombre d’entreprises et de secteurs d’activité divers | Contacts peu réguliers avec animateur |
Nombre de synergies identifiées conséquent | Suivi téléphonique chronophage |
Temps de collecte, de traitement et de mobilisation des entreprises assez court | Synergies plutôt « qwick-win » et peu complexes |
Implication des acteurs économiques | Travail de mobilisation important |
Favorise dynamique de réseau | Pas de portrait exhaustif des flux du territoire |
Autonomie des entreprises | Visibilité des actions a posteriori |
Adéquation avec les besoins de terrain des acteurs |
2. Les plateformes de mise en relation inter-entreprises
Depuis quelques années, on assiste à une multiplication des plateformes de mise en relation entre entreprises, de type bourses aux déchets. En effet, les animateurs de démarche EIT sont régulièrement confrontés à valoriser des ressources ponctuelles et parfois atypiques (toiles plastiques, conteneurs GRV, vieux chariots élévateurs, etc.) ou encore à optimiser l’utilisation de machines / équipements (imprimante 3D, ligne de fraisage, etc.), voir même des ressources humaines. Dediées ou non aux démarches d’EIT, ces outils facilitent la mise en relation entre entreprises avec l’appui et la modération d’un.e chargé.e de mission EIT.
Une liste non exhaustive de plateformes ayant déjà été utilisées dans le cadre de démarches d’EIT existent :
Plateformes multi-flux :
- ACTIF est un outil développé par les chambres de commerce et d'industrie (CCI). Au service des collectivités (Régions, Métropoles, Parcs d'activités...), ACTIF est une solution dédiée aux démarches d'écologie industrielle et territoriale (EIT) soutenue par l'Agence de Transition Ecologique (Ademe) ;
- Factoryz permet de partager ponctuellement les ressources des entreprises, qu’elles soient matérielles (équipements, machines, locaux) ou immatérielles (personnels, savoir-faire) ce qui permet à celles-ci d’optimiser leurs moyens ;
- Le réseau BarterLink permet aux entreprises de s’échanger des biens, services ou compétences sous-utilisés dont elles disposent. Fondé sur le principe de l’économie de partage, ce système permet de générer un complément de chiffre d’affaires grâce à la valorisation de ressources sous-employées ;
- Agri-échange est une plateforme dédié aux agriculteurs, sur laquelle ils peuvent échanger des travaux entrant dans le cadre général de l’entraide, sans sortie de trésorerie ;
- MyUpCycléa est une plateforme permettant de générer des éco-systèmes (réseaux d’acteurs) afin de détecter des synergies entre des acteurs économiques d’un territoire. Une des fonctionnalités de l’outil est la Banque digitale de matériaux.
Plateformes monoflux :
- Stockbooking permet de mutualiser des espaces de stockages, avec ou sans services logistiques pour répondre aux besoins des entreprises ;
- Excédenterre favorise l’optimisation de la gestion des terres et matériaux d’excavation par les entreprises du BTP.
Plateformes sur un périmètre géographique restreint :
- Bourses-des-déchets.fr est un service gratuit de publications d’offres ou de demandes de matériaux, objets et équipements à la vente ou en don pour les établissements franciliens ;
- Ressourcerie industrielle en ligne du Club d’Écologie Industrielle de l’Aube est un catalogue de produits d’occasion mis en vente par des entreprises volontaires du département.
AVANTAGES | FREINS |
Entreprises et secteurs d'activité divers | Contacts peu réguliers avec l'animateur |
Totale autonomie des entreprises dans l’utilisation de l’outil | Coût de gestion de la plateforme |
Visibilité et suivi des actions simplifiées pour l’animateur | Synergies plutôt « qwick-win » et peu complexes |
Implication des acteurs économiques forte | Travail de mobilisation des entreprises important |
Contribution au financement de la démarche EIT (uniquement certaines plateformes) | Offres libres, donc potentiellement portant sur le cœur d’activité de l’entreprise et non uniquement ses connexes |
Adéquation avec les besoins de terrain des acteurs | Utilisation possible de l’outil par des collecteurs et traiteurs de déchets |
Approche déductive
Depuis quelques années, avec l’essort des nouvelles technologies, les outils d’aide à la décision et de détection de synergies inter-entreprises fleurissent sur la thématique de l’EIT. Ces outils permettent de détecter des synergies de manière théorique, en se basant sur les principaux flux majeurs courants d’activités pré-identifiées, généralement via des codes NACE ou NAF des entreprises. On dénombre 4 outils utilisés par des démarches d’EIT en France :
- iNex a développé une technologie de détection des flux de matières et synergies grâce à l’open data, des algorithmes prédictifs et une base de connaissances métier sur les transformations déchets-ressources. Il permet notamment aux collectivités et démarche d’EIT d’analyser les flux de matières sur un territoire, pour identifier les principales synergies potentielles.
- Recyter a été développé par EDF permet de réaliser des pré-diagnostics à partir de données statistiques génériques pour cibler des synergies potentielles et aider au démarrage d’un projet sans avoir à récolter des données sur le terrain.
- Be Circle est un outil d’aide à la décision auprès des aménageurs et gestionnaires de sites industriels permettant de créer un écosystème vertueux, des synergies « gagnantes-gagnantes », ou les sous-produits des uns sont les co-produits des autres.
- Locanomix : est un outil développé par le cabinet UTOPIES et qui analyse le territoire comme une « forêt productive ». L’idée est de rapprocher des secteurs d’activité divers mais qui mobilisent les mêmes compétences, équipements ou matières. Cela permet également de bénéficier d’un diagnostics du territoire en termes de savoir-faire, équipements et matières présentes sur le territoire.
AVANTAGES | FREINS |
Synergies complexes avec des gains éco et environnementaux souvent conséquents | Peu d’implication et d’adhésion des entreprises à la démarche |
Nombre d’entreprises conséquent | Tri et analyse des données chronophage pour l’animateur |
Peu de travail de mobilisation | Décalage entre les besoins et les synergies proposées |
Implication des acteurs économiques forte | Travail de mobilisation des entreprises important |
Portrait exhaustif des flux du territoire | Faible autonomie des entreprises |
Nombre important de synergies potentielles détectées | Coût d'utilisation des outils |
Approche systématique
Cette approche, moins utilisée par les démarches d’EIT ces dernières années, consiste à répertorier de manière exhaustive l’ensemble des flux d’un système sur un périmètre défini afin d’en détecter les synergies potentielles. La méthode utilisée pour répertorier les flux est l’audit. Elle nécessite une visite ou un entretien individuel poussé avec les entreprises concernées. Chaque démarche bénéficie de sa propre méthode d’entretien et de son outil (souvent un tableur Excel) pour capitaliser l’information et croiser manuellement les données. Deux outils facilitant la recherche et la capitalisation des synergies suite aux audits sont à noter :
- Presteo : outil informatique de recherche de synergie sur un territoire, si basant sur les informations d’entreprises auditées ou ayant complétée elles-mêmes un bilan de flux entrants/sortants exhaustif ;
- Toile industrielle : notamment utilisée sur le territoire de Dunkerque, consiste en une représentation graphique et numérique des principaux échanges et relations qu’ont développés les industries implantées sur le bassin d’emploi de Dunkerque. Il permet également d’identifier des synergies potentielles entre les industriels d’un territoire.
AVANTAGES | FREINS |
Synergies complexes avec des gains éco et environnementaux conséquents | Nombre limité d'entreprises |
Rencontre privilégiée avec l’animateur durant l’audit favorisant les liens de confiance | Nombre limité de synergies |
Forte adhésion des entreprises auditées à la démarche | Audit et analyse des flux chornophage |
Implication des acteurs économiques forte | Travail de mobilisation des entreprises important |
Portrait exhaustif des flux du territoire ou de l'éco-système analysé | Faible autonomie des entreprises et fort appui de l'animateur |
Connaissance du territoire par les entreprises, peu exploité par l'animateur |
En conclusion, les outils ne sont qu’un instrument parmi d’autres pour faciliter le travail de l’animateur sur le terrain, mais ceux-ci n’ont pas vocation à se substituer à l’animateur ou à limiter le travail primordial d’animation de dynamique de réseau. Les démarches d’EIT dépendent principalement des relations humaines et de confiance instaurées entre les acteurs qui y participent.
Par ailleurs, il n’exsite pas d’outil « parfait » ou comportant l’ensemble des fonctionnalités nécessaires au développement de la démarche. Enfin, chaque outil bénéficie de fonctionnalités qui ne sont pas adaptées pour tous les types de démarches. Il est néssaire d’évaluer le contexte, le périmètre géographique et thématique de chaque démarche afin d’identifier l’outil le plus pertinent et adapté à son contexte propre.
Pour bénéficier de plus amples informations sur l’ensemble des outils à disposition des animateurs EIT, n’hésitez pas à contacter Clémence REJNERI – clemence.rejneri [at] ceiaube.fr – 07 68 83 23 63